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Aumônerie

Tatouage et christianisme : incompatible ?

« Ne vous faites pas dessiner de tatouage. » – Lv 19,28

« T’es tatouée et tu travailles pour l’Eglise ? « 

On m’a souvent posé cette question, comme si religion et tatouage n’étaient pas compatibles. Pour moi, la question ne s’était jamais posée. Mais si cette croyance commune existe, il doit bien y avoir un fondement dans la Bible, non ?

Bon nombre de recherches

Toutes mes recherches Google ont donné le même résultat : Lévitique 19,28 « Ne vous faites pas dessiner de tatouage. » Je n’avais pas envie d’en rester là. Il me fallait creuser plus !

Un peu d’histoire

Après des recherches plus poussées, j’ai vite remarqué que le tatouage n’est cité qu’une seule fois dans la Bible. Une seule occurence : Lévitique 19,28. Comme le mentionne Bertrand Monnier dans « Dieu est-il tatoué?« , le livre du Lévitique est écrit au Vème siècle avant notre ère par des prêtres. Puisque le peuple juif a été prisonnier de l’Egypte et que ce peuple pratiquaient le tatouage religieux, les prêtres voulaient gardé l’identité juive en interdisant les tatouages.

Au départ, le tatouage était un signe de distinction entre les différents peuples ou tribus. Il constitue donc un mode de communication non verbal qui se comprend dans un contexte. Aujourd’hui encore, le tatouage, phénomène de société, sert de marqueur d’appartenance, même s’il permet de soulever l’individualisme de notre temps. En effet, le tatouage permet d’affirmer des choix personnels et de les exprimer sur sa peau. Il permet de montrer la diversité des opinions et les différentes manières de les exprimer.

Le logos oublié

Bertrand Monnier, prêtre du diocèse de Verdun, soulève la question de la place donnée au logos dans notre société. Le logos nous vient de la pensée grecque antique. Ce terme signifie « parole »/ »discours » en tant que discours parlé ou écrit. Par extension, il est également compris comme « la raison » issue d’une pensée qui vient de la capacité à utiliser la langue ou les mots.

Le logos englobe tout ce qui touche au discours parlé ou écrit, à la langue ou aux mots.

Comme le souligne Bertrand Monnier, la communication verbale ou orale devient de plus en plus simplifié (SMS, contraction de mots). Puisque nous n’utilisons plus le logos, nous avons besoin de nouveaux moyens d’expression. C’est là que le tatouage vient jouer un rôle. Le tatouage devient un moyen de communication par l’épiderme. Comme mentionné plus haut, il permet d’affirmer des choix personnel et de les communiquer par la peau.

Un rite

Le tatouage constitue donc non seulement un moyen de communication, mais il sert également de « mémoire épidermique d’un moment marquant » p.87. Comme un rite, le tatouage se fait dans une situation particulière et suit les mêmes étapes que le rite. Le cheminement commence par la réflexion et la rencontre avec la personne qui va tatouer. Ensuite, vient le passage douloureux sur le plan physique (pour le tatouage, les aiguilles dans la peau; pour le baptême, l’eau froide; etc.). Le passage par la douleur ou le désagrément permet de garder en mémoire le rituel en tant que tel et de bien distinguer le avant et le après. Contrairement aux rites religieux, le tatouage ne s’inscrit pas dans une structure officielle et n’est pas fondé sur des bases systématiques.

Conclusion

Malgré l’interdiction unique de la Bible dans Lévitique, l’histoire du tatouage et le rôle qu’il occupe actuellement, je pense qu’il n’est pas du tout incompatible de travailler en Eglise tout en étant tatoué. De plus, il n’y a pas de lien entre la hausse du tatouage et la baisse des pratiques religieuses. Il n’est donc en rien nécessaire d’interdire les tatouages aux croyant-e-s ou aux personnes travaillant dans et pour l’Eglise.

En Esaïe 49,16, Dieu déclare son amour pour la ville de Jérusalem, berceau de son peuple qu’il aime comme un parent aime un enfant. « Voici que sur mes paumes je t’ai gravée ». Garder gravé à jamais sur sa peau un amour ou un moment. Voilà ce qu’est vraiment le tatouage.

Avis personnel : Pour ma part, je conçois le tatouage comme une manière d’ancrer à jamais un évènement ou une expérience sur la peau. Cela me permet de ne pas oublier ce par quoi je suis passé et les épreuves que j’ai surmontées.

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